« Nous sommes le documentaire » – Tribune

C’est une tribune signée par plus de 1.200 professionnels de l’audiovisuel que Le Blog documentaire relaie ici. Un texte en forme d’appel pour davantage d’audace et d’espace pour les œuvres documentaires de création, notamment à la télévision…
La liste des signataires est consultable sur noussommesledocumentaire.fr.

Capture2Vue de loin, la production documentaire française se porte bien : en 2013, environ 3000 heures de documentaires ont été produites avec le soutien du CNC ; de plus enplus de films documentaires sortent en salles de cinéma ; les formations universitaires qui enseignent le documentaire se sont multipliées ces dernières années. Les festivals rassemblent un nombre toujours croissant de spectateurs attirés par des programmations riches et diversifiées, systématiquement relayées par la presse nationale qui salue sans cesse la grande inventivité d’un genre cinématographique parmi les plus créatifs du cinéma français. Un lieu d’expression de nouvelles formes narratives et visuelles, souvent engagées, toujours en prise avec le monde.

Mais la vitalité de la création documentaire masque la grande précarité de la fabrication de ces œuvres et leur absence des chaînes de télévision nationale. Par conséquent les réalisateurs, techniciens et producteurs qui travaillent à la création de ces films le font presque toujours dans des conditions matérielles très difficiles.

Dans ces temps politiques troublés, se pose la question de la réinvention du long terme, celui qui va au delà de la surface des choses, et celle du renouvellement de la création dont le but n’est pas de “montrer le réel” ­ ce que de multiples acteurs de la vie sociale contemporaine peuvent faire ­ mais d’aller au delà du miroir, creuser derrière ou sous le réel, rendre compte de sa complexité, de ses paradoxes. Ce champ là, évidemment non réductible à des normes, est une expérience. On ne la trouve plus sur les chaînes publiques soumises au formatage et de moins en moins sur Arte qui réduit le nombre de films ayant cet objectif à peau de chagrin. Peu à peu, parce que c’est une politique insidieuse, ces films, réalisés par des cinéastes débutants comme confirmés, sont visibles uniquement dans les festivals, les médiathèques ou sur des chaînes locales.

Nous, réalisateurs, producteurs, techniciens, diffuseurs locaux, associations, directeurs de festivals, médiathèques, enseignants, qui créons, montrons et étudions ces œuvres, pensons qu’il est grand temps de rebâtir une politique en faveur d’un documentaire affranchi du formatage télévisuel.

Si l’air du temps est au marché, à la vertu de la concurrence et du financement privé, il faut rappeler que le documentaire de création n’existe q​ue par la volonté des pouvoirs publics et que son économie provient presque exclusivement de l’argent public. Et lorsque l’on parle de financement provenant des chaînes hertziennes, les piliers de la diffusion documentaire sont France Télévisions et Arte dont les budgets respectifs sont financés par les contribuables à hauteur de 88% pour France Télévisions et de 95% pour Arte. C​’est donc bien d’un débat public qu’il s’agit.​

Or tous les films d’auteurs sont soumis à la règle qui limite à 50 ou 60% le financement public quel que soit leur mode de production : documentaire audiovisuel ou long­ métrage cinématographique. Ces derniers ne bénéficient même pas, du point de vue du droit social, des souplesses accordées aux longs métrages de fiction. Le documentaire est-­il à ce point dispensable aux yeux des pouvoirs publics qu’on le passe par pertes et profits dès lors qu’il s’agit de réguler durablement le secteur ? Osons la transparence, la vérité de l’audace et la déflation des budgets lorsque les grandes chaînes et les financeurs dits « de marché » ne s’engagent pas sur ces films, et exigeons qu’ils soient exonérés de ce plafond d’aides publiques. Rien ne l’empêche en réalité sauf la volonté politique, il suffit pour s’en convaincre de regarder ce qui se passe chez nos voisins soumis aux mêmes règles communautaires.

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2 Responses “« Nous sommes le documentaire » – Tribune” →
  1. Après de 30 ans de réalisation dans le documentaire (22 films de 52 mn), je peux témoigner de la diversité des montages de production dont nous avons bénéficié jusqu’ici en France. C’est ce qui a permis à bon nombre de réalisateurs et techniciens de l’audiovisuel (grâce également au soutien financier de l’intermittence du spectacle), de créer et de vivre honorablement du documentaire. Si « l’industrialisation » des programmes audiovisuels se radicalise jusque dans la maison du Centre National du Cinéma, alors la jeune génération d’aura plus qu’à courir le monde, caméra au poing, tels les Opérateurs Lumières des années 1900. Alors la survie de la création dépendra à nouveau entièrement des industriels et la boucle sera bouclée.

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  2. klaus gerke

    13 mars 2015

    Sans oublier les docus produits directement pour le web par des indépendants militants, soit par un crowdfunding, par des partis ou journaux progressistes (télé de gauche, politis, mediapart, rue89…) qui ont aujourd’hui plusieurs millions de « vues ». (Mais aussi sans plans d’économie alternative !!)

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